Du 10 septembre au 30 janvier 2022, le musée d'art moderne « Garage » accueille une exposition d'artiste allemand Thomas Demand, l'un des photographes les plus importants de la dernière décennie. En Russie, l'exposition personnelle de Demand a lieu pour la première fois. Sur le site de l'artiste les informations sur l'exposition au « Garage » remplit tout l'espace de l'écran – ça fait plaisir. Demand n'est pas indifférent – dans son interview, il note qu'il voulait travailler avec le « Garage » depuis la fondation du musée.
« Mon exposition n'est pas un concert des Rolling Stones qui jouent la même chose dans toutes les villes », explique Thomas Demand dans une interview.
« Miroir sans mémoire » est la collaboration de l'artiste et du commissaire du musée Ekaterina Inozemtseva. Thomas Demand a fait ses études à Munich et à Londres ; il travaille à Los Angeles, il est photographe, peintre, architecte, sculpteur. C'est le fait répendu maintenant dans l'art international – l'artiste par le nombre et l'échelle des chefs-d'œuvre qu'il a produits – le chef du groupe, le directeur de l'usine, le directeur de la production à grande échelle, mais d'abord un génie.
Le dialogue avec le spectateur commence à partir de l'entrée du musée – il a été spécialement fait compliqué, il n'est pas facile d'entrer. La première réaction « pourquoi ces panneaux gris ont-ils été élevés ici ? ». Demand plonge le spectateur dans un état de condamnation – vous êtes dans l'objet d'art – « Nagelhause » — « Maison clou ». Au bout d'une minute vous allez vous sentir mal à l'aise. Ce projet raconte l'histoire d'une famille chinoise, qui pendant trois ans s'est battu contre la construction de l'autoroute pour garder sa maison. « Maison-clou » est un projet conjoint de Thomas Demand et du bureau d'architecture britanno-suisse Caruso St John, avec lequel il a travaillé sur ses expositions à la Nouvelle galerie nationale de Berlin et à la Fondation Cartier pour l'art contemporain à Paris. Ces expositions sont devenues plus tard canoniques. « Et vous, cette maison elle vous empêche aussi ? »
Demand et la conservatrice Ekaterina inozemtseva, en quelque sorte, « secouent » le spectateur en exposant l'humanité et en le plongeant dans le sérieux de l'agenda politique et social. À l'écoute de ce sérieux, on se souvient déjà du « Piano en feutre » de Joseph Beuys et on se prépare pour le prochain défi social – mais non ! Tout le rez-de-chaussée va présenter l'autre Demand — un architecte rêveur avec des installations « SANAA. Maquettes: études ».
Salle de la réflection méditative — sur la première table, les modèles des quatre bâtiments des bureaux d'architecture sont combinés : exécutés à une seule échelle, ils se concentrent sur l'étude des possibilités de la géométrie incurvée et le processus d'identification de la forme optimale.
La deuxième table montre comment différents détails structurels et matériaux peuvent être combinés, et la troisième — comment la structure de la construction est-elle formée — des perceptions presque abstraites et particulières de la structure aux maquettes les plus détaillées. Nous sommes des maquettes à l'intérieur des maquettes.
Alors que la conscience se débat avec la question: « À quoi sert tout cela, et où est Demand-photographe ? », devant nous se trouve la quintessence de la créativité de l'artiste : le papier en tant que matériau principal de la construction. Tout commence par une maquette en papier. L'échelle est un moyen de s'éloigner et de se rapprocher. Il y a aura plusieurs objets liés avec le papier, nous y reviendrons plus tard. Au deuxième étage, des significations et des histoires intences vous attendent. Mais cet espace de maquette blanc tombera dans l'inconscient et on va le mémoriser comme un nuage-royaume où les idées de l'artiste naissent.
Aprés, le papier sera différent. Si les maquettes sont quelque chose d'éternel, les travaux photographiques et l'architecture de l'exposition où tout est fait de papier, même les bancs de repos – le papier est usagé, nous le trouvons dans ce laps de temps, avant qu'il ne soit recyclé. « J'ai toujours été fasciné par le papier et la façon dont il est utilisé dans le monde — malheureusement, aujourd'hui, il y a de moins en moins de papier dans nos vies. Toute la paperasse bureaucratique passe dans la sphère virtuelle », explique Demand.
Au deuxième étage, l'appel soit social, soit philosophique nous rattrape de nouveau : ici, on voit les œuvres les plus connues de Demand. En empruntant des images des événements de la presse et d'autres sources, et en organisant des sessions techniques Demand reproduit ces scènes dans le réel à partir de carton et de papier. Il fait pratiquement des sculpture, après il les photographie, puis les détruit.
D'une photo à l'autre photo, la dramaturgie augmente. Demand place le spectateur dans des histoires complètement différentes : nous voici dans la cour arrière de la maison des terroristes, dans la salle de contrôle de la centrale nucléaire, sur le site des vases brisés de la dynastie Qing, ou bien dans l'atelier de Matisse. Nous voyons des endroits chargés d'énergie. Dans le même temps, l'événement lui-même est soigneusement nettoyé. Il n'y a aucune trace du temps et du lieu. Et il n'y a jamais et nulle part aucun héros. D'une part, il semble que Demand ressemble à Cindy Sherman sans Cindy Sherman. Il y a quelque chose en commun dans la répétition de la réalité, mais l'art de Demand est d'animer le paysage, le détail par la puissance de la pensée et par des souvenirs sans aparence humaine.
L'une des dernières salles de photos est une série d'images de la zone de transit de l'aéroport de Cheremetievo — dans une salle pareille Snowden a passé un mois environ (cette série, d'ailleurs, a été faite spécialement pour l'exposition de Moscou). Demand fait toujours la même chose avec le spectateur. Nous avons l'habitude de faire confiance à des photos, parce qu'ils captent la réalité, mais cette réalité n'est pas la réalité, mais la répétition de la réalité qui existait avant.
En sentant la paix de l'horreur et l'horreur de la paix, le spectateur se déplace dans la troisième partie de l'exposition — où il va voir des structures suspendues — des cinémas. Le spectateur se plonge sous l'installation et il se trouve entouré d'écrans de tous les côtés. Sur les écrans les films du réalisateur, écrivain, producteur allemand, auteur d'émissions de télévision, personnalité publique et idéologue du nouveau cinéma allemand Alexander Kluge, sont montrés. Ces pavillons de cinéma conçus par Demand sont des modèles flottantes qui nous renvoient à distance à la formation constructiviste.
Pour le spectateur, c'est comme une immersion dans sa propre tête, la conscience, l'inconscient, le cycle constant des pensées.
Les films de Kluge sont des poursuites ou des interprétations vidéos de trois œuvres de Demand présentées à l'exposition : « Dépôt », « Cinq globes », « Ruine ».
Où est l'unicité de Demand et l'essence de cette exposition ? Pour l'artiste le miroir est une métaphore du dialogue avec le spectateur, toutes ses œuvres n'ont de sens que lorsqu'elles sont reflétées dans quelqu'un. Le miroir comme un médium ne garde pas la mémoire, il vit dans ce moment. C'est cette seconde de l'événement que l'artiste a le temps de créer méticuleusement.